L’écluse saute
Le débarquement étant proche, les sabotages se multiplièrent. Dans la nuit du 3 au 4 mai 44, les écluses de Fontenoy et Couloisy sautèrent ce qui provoqua l’interruption de la navigation sur l’Aisne jusqu’à la libération. « Nous sommes partis de Vic par le chemin de halage raconte Gaby, Jacques Blin portait le bidon à lait de 20 litres sur son dos. Un bidon que nous avions lesté avec des axes de pédaliers de vélo avant d’y mettre quinze kilos de plastique. Les deux allumeurs étaient bien au sec dans des étuis de caoutchouc (des préservatifs puisqu’il faut dire leur nom !). Arrivés à l’écluse à 22 heures, avec une corde en rappel, nous avons descendu le bidon dans l’angle aigu de la porte aval après avoir réglé les « crayons » sur 5 heures du matin… Pour qu’il n’y ait personne sur l’écluse au moment de l’explosion et pour que ça nous laisse le temps d’aller faire la même chose à l’écluse de Couloisy ».
Tout se passa comme prévu… Sauf que l’éclusier de Fontenoy M. Latrasse, eut beaucoup de chance puisqu’il était dans l’entrée de sa maison au moment de l’explosion… après avoir fait un petit tour sur les portes et les vannes au lever du jour ! Ces portes avals furent éventrés, les pierres descellées, le radier percé… Tout comme à Couloisy puis au Hérant à Trosly-Breuil que Gaby alla faire sauter le 10 mai pour empêcher les péniches allemandes d’arriver jusqu’à l’usine chimique Bozel-Malétra. Bien entendu, les Allemands apportèrent un ponton-grue à Vic, mais il fut vite envoyé au fond de l’eau par une charge explosive après que les « saboteurs » aient pris soin de déposer sur la berge les vêtements des ouvriers qui dormaient au Lion d’Or.
La libération
Tandis que Gabriel Cochet, Henri Bataillard et Pierre Hénin avaient été arrêtés par la Gestapo le 29 juin 44, puis envoyés dans les bagnes nazis, l’OCM 138 continua à travailler dans l’ombre jusqu’aux combats de la libération. Car les Allemands étaient bien toujours là… Même par la voie des airs puisqu’un V1, qui suivait la vallée de l’Aisne, vint tomber à Port où les toitures furent soufflées. Dans la nuit du 28 au 29 août, l’horizon s’alluma vers Soissons où les magasins généraux brûlaient. Puis, le 29, les habitants de Port virent l’ennemi battre en retraite. Mais le drame n’était pas pour autant terminé.
Le mercredi 30 au matin, Claude Demory, un jeune patriote de Nouvron, traversa le village avec sa bicyclette à la main et deux prisonniers allemands qu’il devait emmener à Soissons. Devant la ferme de la Tour, Joachim D’Andrade décida de l’accompagner. Au retour vers 17 heures, Claude prit la côte du cimetière pour gagner le plateau et s’arrêta à la maison du garde pour converser lorsqu’il entendit des coups de feu dans la côte de Fontenoy. Laissant son vélo dont la chaîne avait sauté, il courut à travers champs, Trop tard ! Deux voitures allemandes arrivaient sur lui et il fut tué d’une rafale. On chercha son corps toute la soirée et c’est finalement M. Launay, employé chez M. Albert lefèvre, qui le trouva en fauchant de l’herbe.
Cependant, la dernière vision de cette guerre qu’auront eue les habitants de Fontenoy sera certainement cette forteresse volante qui se posa sur le plateau le 9 février 1945. En difficulté après une opération de bombardement sur l’Allemagne le B17 du 305ème Bomb group survola les villages proches avant de se poser sur le ventre après cinq bonds successifs. L’équipage gagna la Citra à Port qui était occupée par les Américains, Quant à la forteresse, après avoir été gardée jusqu’en avril, elle fut déboyautée par tous ceux qui vinrent la voir et y démonter quelques pièces. Puis, gênant la culture, elle fut remontée par deux chenillards jusqu’en bordure de la route en bout de la côte de Fontenoy. Longtemps, l’aile géante que l’on apercevait au détour du dernier virage rappela à tous cette guerre et le courage de ceux qui combattirent.